Cet article explore les liens entre l’hypersensibilité et le burn-out, qui sont souvent interconnectés. Les signes et symptômes de l’hypersensibilité et du burnout sont abordés, ainsi que les approches thérapeutiques susceptibles d’aider les personnes qui en souffrent à retrouver l’équilibre émotionnel et à prévenir les rechutes.

 

20% de la population serait “hypersensible

L’hypersensibilité, mise en lumière par Elaine Aron, est à considérer, au-delà des causes parfois physiologiques, comme simplement un trait descriptif, une caractéristique individuelle, au même titre que la taille ou la couleur des yeux. Elle peut être simplement définie par une sensibilité accrue aux stimuli extérieurs, ces derniers étant ressentis de manière plus intense.

L’hypersensibilité se présente sous trois formes, qui peuvent ou non se cumuler : sensorielle, émotionnelle et relationnelle.

  • L’hypersensibilité sensorielle ou hypersensibilité environnementale, est caractérisée par une forte réaction à des stimuli venant solliciter nos sens, tels que des sons, des lumières, des odeurs, …
  • L’hypersensibilité émotionnelle se manifeste, notamment, par une grande capacité à ressentir les émotions des autres, mais aussi par le fait de se laisser « déborder” par une émotion provoquée par l’environnement (par exemple, un coucher de soleil).
  • L’hypersensibilité relationnelle se marque par une sensibilité accrue à la séparation, aux rencontres, à tout ce qui touche au lien ou à l’attachement.

 

“Et moi, suis-je hypersensible ?”

 

 

Faites ce test reprenant les signes qui doivent vous mettre la puce à l’oreille :

• La tendance à ruminer les événements passés.
• L’hyper-empathie. Un hypersensible va faire plus attention aux autres qu’à lui-même, et se mettre tout le temps “à la place de l’autre”.
• Le grand besoin d’affection.
• L’absence d’esprit de compétition.
• La peur du conflit.
• La tendance à rire ou à pleurer facilement et fréquemment.
• La fatigue rapide à l’exposition d’un environnement riche en lumière, en sons, en mouvements, avec parfois le besoin de s’isoler régulièrement.

Comme le décrit Sarah, une jeune femme hypersensible, « on est surstimulé tout le temps. C’est comme si on était à vif. C’est comme si on était une grande table de mixage et que tous les curseurs étaient au maximum, donc c’est comme si toutes les émotions étaient décuplées.”

Cela se traduit souvent par le sentiment d’être en décalage avec le reste du monde, d’avoir une personnalité inadaptée à la société, ou, comme le dit le philosophe Frédéric Midal, “d’être sur l’autoroute en sens inverse”. On se sent juste « trop » ou « pas assez », avec un sens des priorités à l’encontre de ce que l’on pourrait attendre de nous. Les autres nous disent que l’on est « trop sensible », « émotif », que l’on prend les choses « trop à cœur ».
Quand on est hypersensible, on peut donc se sentir différent, que ce soit au travail, auprès de ses proches, ou de ses amis.
Vous trouverez quelques trucs et astuces pour accueillir votre hypersensibilité à la fin de cet article.

 

Un fardeau, vraiment ?

Malgré les efforts et l’énergie qu’elle demande, l’hypersensibilité représente un atout de taille. Les personnes concernées peuvent compter sur leur empathie, leur sens de l’écoute, leur intuition, leur créativité, leur sens du détail et de l’analyse.

D’après l’experte Sophie Clergue, pour un hypersensible, “un travail de fond avec un thérapeute lui permettra de s’assumer et de développer son fort leadership intérieur. Ensuite, toutes sortes d’outils peuvent l’aider à trouver sa place. Le monde a besoin des hypersensibles : ils sont courageux, résilients, engagés et s’insurgent contre les injustices.”

Alors, comment ne pas en souffrir et canaliser cette surcharge émotionnelle, que ce soit pour soi-même et dans les relations aux autres ?

  1. La première étape est d’identifier son hypersensibilité (c’est peut-être ce qui vous a poussé à lire cet article). Mettre des mots, sans rentrer dans des étiquettes étriquées, permet de ne plus se voir comme “a-normal”, mais de comprendre qu’il s’agit d’un trait de caractère, rien de plus.
  2. La deuxième étape est d’accepter sa particularité. La vision de la vie et la manière d’être au monde des hypersensibles sont tout aussi valables que celle des autres personnes. Malheureusement, notre cadre sociétal nous impose souvent de rentrer dans des cases. Cela implique malheureusement d’être sanctionné si on ne le fait pas. L’enseignement traditionnel est l’institution privilégiée pour cela, chacun étant évalué sur sa capacité à apprendre de la même manière, à résoudre des problèmes suivant la même méthode, et au même rythme. L’intégralité de notre société est bâtie sur l’idée d’un modèle unique de vie, de réussite, de comportements, etc…

Si aujourd’hui à 40 ans, vous vous rendez compte que vous êtes “différent”, vous avez 40 ans de processus cognitifs à déconstruire, notamment l’idée que l’hypersensibilité est un handicap qui vous empêche de vous intégrer. Or, hypersensibilité ne veut pas dire fragilité, et elle n’est pas une tare à combattre. Il s’agit de l’accepter, d’identifier comment elle peut servir au quotidien, et faire la paix avec soi-même.

 

Faire de l’hypersensibilité un cadeau

Si pendant des années, on a pris l’habitude de penser que l’hypersensibilité dessert, il faut déconstruire ce réflexe. Lorsque toute notre vie, on nous a répété qu’on gâchait nos capacités en ne travaillant pas assez, ou pas comme nos professeurs ou nos parents le voulaient, on finit par se persuader qu’on est un incapable. A contrario, dès le moment où l’on comprend comment son cerveau fonctionne, et où l’on adapte sa façon de travailler à ce fonctionnement, on arrête de culpabiliser. Le cerveau n’est plus contraint à suivre une méthode qui ne lui convient pas, et on peut multiplier par dix son efficacité.
On peut donc apprendre à utiliser l’hypersensibilité pour fonctionner de manière plus confortable, c’est-à-dire en s’épargnant de l’énergie. Une fois identifiés les environnements, les tâches, les circonstances qui permettent à cette hypersensibilité de s’exprimer dans toutes ses facettes positives, les déployer dans le plus de contextes possibles (professionnel, amical, familial, …) permet de minimiser les fuites d’énergie, voire même d’y trouver des sources d’énergie.

 

Et par rapport au burnout ?

Le lien entre hypersensibilité et burnout est réel, entre autres en raison de l’inadéquation de ces contextes au fonctionnement de l’hypersensible. Alors qu’en nous préservant de ce qui nous affecte le plus, on peut préserver son énergie, son moral, et sa capacité à fonctionner avec l’autre.

L’hypersensibilité est une force, une force qui n’est pas accessible – ou même compréhensible – par tout le monde. L’hypersensible devra faire face à certaines personnes qui ne peuvent comprendre, voire même imaginer qu’un autre fonctionnement que le leur est possible. Mais cette compréhension commence avec soi-même, à apprendre de soi, s’ouvrir à son intérieur, se traiter comme on traite les gens qu’on aime. Cette indulgence et cette bienveillance constituent la base de l’amour de soi. Et s’aimer, c’est le meilleur cadeau que l’on puisse se faire

Comme le souligne le Docteur en Psychologie et psychanalyste Saverio Tomasella, l’un des spécialistes de l’hypersensibilité qui a publié plusieurs ouvrages sur le sujet, “notre sensibilité est une force en elle-même à partir du moment où nous n’en avons plus peur et que nous la développons pour l’utiliser dans chaque situation de vie. Plus vous assumez pleinement votre sensibilité ainsi que votre originalité, plus vous les trouvez belles, plus vous pouvez développer la conscience de votre propre valeur et votre confiance en vous”.

 

Comment gérer son hypersensibilité au quotidien ?

Pour terminer, voici quelques astuces pour mieux gérer l’hypersensibilité lorsqu’elle se manifeste à un moment ou dans un contexte non souhaité.

  • Lorsqu’une émotion, désagréable ou agréable, mais envahissante, surgit, accueillez-la, fermez les yeux, faites une pause. Revenez à vos sensations corporelles et prenez conscience de l’endroit du corps où cette émotion se manifeste (la gorge, les mains, le ventre, …) et de ce qui se présente dans le corps (par exemple, une transpiration, une oppression, une chaleur, des fourmillements, …). Si cela ne passe pas après quelques instants, mettez votre corps en mouvement, sortez prendre l’air, marchez le temps de comprendre, et d’avoir le recul nécessaire.
  • Concentrez-vous quelques instants sur votre respiration, ralentissez-la, afin de vous apaiser et vous recentrer, en ayant bien les pieds ancrés au sol, ici et maintenant.
  • Essayez plusieurs techniques pour trouver du calme et cultiver un état d’esprit serein: vous promener, prendre un bain, vous blottir dans votre bulle, etc. « Respecter un moment de silence et de repos, explique Johanna Rozenblum, autrice du livre Hypersensibilité, comment en faire un atout ?, permet au cerveau de gérer en temps réel les stimulations du quotidien et de réguler le flux émotionnel”.
  • Vous captez très facilement les émotions des autres. Au risque de vous sentir submergé, même par des émotions agréables, demandez-vous à chaque fois si le sentiment est le vôtre ou celui de votre interlocuteur. “Si cette émotion appartient à quelqu’un d’autre, vous devez vous en détacher, la laisser passer, glisser, car elle ne vous concerne pas », suggère Saverio Tomasella.

Enfin, comme le dit Johanna Rozenblum, « l’expression des émotions trouve un réel écho dans les activités artistiques. Peinture, musique, écriture, mais aussi jardinage ou cuisine, tous les médias qui permettront de s’exprimer autrement que par le verbal sont des alliés. Pour l’artiste, l’hypersensibilité est une lumière ».

 

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